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Claude Lanzmann nous a quittés

Claude Lanzmann est mort ce 5 juillet 2018 à l’âge de 92 ans. Il était venu parler à la Société d’Études françaises en 2010, présentant alors son grand livre de souvenirs, Le Lièvre de Patagonie, qui venait d’être publié chez Gallimard. La première fois que je l’avais invité à Bâle, ce fut en 1985, au moment de la sortie de ce film qui l’a rendu mondialement célèbre, Shoah. Ce témoignage bouleversant, je l’avais fait projeter dans l’aula de notre université, pensant que quarante ans après la libération des camps, il était urgent de rappeler leur sinistre existence, d’autant qu’à l’époque, Robert Faurisson et d’autres menaient une campagne négationniste odieuse.

Dès 2001, j’avais organisé une projection de Sobibor, témoignage difficile à soutenir sur la révolte des prisonniers du camp d’extermination du même nom, le 14 octobre 1943.

Engagé aux côtés de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir, Claude Lanzmann a été de tous les combats importants du XXe siècle : contre l’insuffisance de la dénazification en Allemagne, contre la colonisation en général et contre celle de l’Algérie par la France en particulier, contre l’antisémitisme.

Homme passionnément engagé, il souvent défendu ses causes sans grand souci d’objectivité, peinant à admettre que les massacres de Katyn n’étaient pas l’œuvre de nazis, mais des Soviétiques, traitant les harkis de « chiens de l’humaniste Papon », accusant Raymond Barre d’antisémitisme, croisant le fer avec Jean-François Revel, Michel Onfray, voire Élie Wiesel.

Après la mort de Simone de Beauvoir, en 1986, il continue à assurer la direction des Temps modernes, la revue fondée au lendemain de la guerre par Sartre, Camus, Aron, Merleau-Ponty, et qui fut pendant une vingtaine d’années un des lieux d’échange, de discussion et de controverse les plus importants.

Claude Lanzmann a toute sa place dans cette passionnante Saga des intellectuels français, racontée en détail par François Dosse dans deux volumes qui paraîtront au début du mois de septembre (Gallimard).

Photo © Les Films Aleph/IFC Films Release.